C'est à l'occasion du Festival Interceltique 2018 qu'une rencontre Bretagne - pays de Galles a été organisée au Club K Moustoir rassemblant élus et responsables bretons et gallois dont le Premier ministre du pays de Galles, Carwyn Jones.
Vous trouverez, ci-dessous, la traduction en français de son intervention portant sur le Brexit, les relations entre la Bretagne et le pays de Galles ou encore la place du pays de Galles en Europe devant les 270 personnes présentes.
Discours
de
M
Carwyn Jones
Premier
ministre du pays de Galles
 |
Carwyn Jones, Premier ministre du pays de Galles |
Pnawn
da a diolch am y gwahoddiad i siarad yn eich cynhadledd.
Bonjour
et grand merci de m'avoir invité à intervenir cet après-midi,
Je
suis très heureux d'avoir été invité à m'exprimer à cette
rencontre Bretagne-pays de Galles organisée par le Festival
Interceltique et d'avoir pu inaugurer notre superbe programme musical
et culturel de cette Année dédiée au pays de Galles. J'espère que
vous avez pu apprécier certains de nos artistes durant ce premier
week-end.
Très
heureux aussi qu'un Gallois ait gagné cette année le Tour de France
et nombre d'entre vous ont pu voir ces images extraordinaires à
Paris d'un Geraint Thomas levant haut le drapeau gallois.
Les
tables rondes porteront sur nos liens culturels et linguistiques, je
vais donc plutôt intervenir sur nos relations avec la Bretagne et
sur le Brexit qui est pour nous une préoccupation majeure
actuellement.
Tout
d'abord, quelque chose qui peut paraître évident mais qu'il est bon
de répéter, c'est que nous sommes tout à fait décidés à
maintenir et à renforcer nos relations avec nos partenaires et amis
européens ; et notre relation avec la Bretagne est sans aucun
doute l'une de nos relations les plus fortes.
Nos
liens culturels et historiques fondés sur nos racines celtiques
communes remontent à des siècles sinon à des millénaires, sans
parler des Sioni Wynwns ( les Johniged) qui restent dans ma mémoire :
des légendes communes de cités englouties, les liens entre Cardiff
et Auray et d'autres ports bretons avec le commerce du charbon pour
fabriquer de l'acier comme à Trignac et d'autres fourneaux à
travers la Bretagne. Des exilés gallois comme l'oncle d'Heny Tudor
trouvèrent refuse en Bretagne le révérend gallois Price édita la
première bible en breton.
La
liste est longue comme avec notre équipe nationale de football basée
en Bretagne durant le dernier Euro ou tout simplement les artistes,
les étudiants, les chercheurs, les touristes, les entrepreneurs qui
voyagent entre nos deux nations et développent leurs propres
histoires et leurs propres réseaux.
Notre
culture et notre langue font partie d'un héritage celtique beaucoup
plus large et que nous partageons avec toutes les nations celtiques,
un véritable lien évident, réel et spécial, que l'on peut
constater ici au Festival de Lorient.
Cependant
notre première relation officielle avec la Bretagne ne remonte qu'à
2004 lorsque mon prédécesseur, le regretté Rhodri Morgan signa la
première convention de partenariat avec l'ancien président du
Conseil régional, Josselin de Rohan.
L'actuel
ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, M. Le
Dorian, et moi-même avons confirmé cette relation en 2011 et cette
année en janvier dernier, je suis venu à Rennes signer le
renouvellement de ce partenariat avec le Président Chesnais-Girard.
Notre
relation est construite sur de solides fondations et je suis persuadé
qu'elle ne peut que se développer à l'avenir. Nous ferons tout
notre possible pour que le Brexit ne compromette pas notre
coopération.
En
novembre 2017, nous avons accueilli à Cardiff un colloque sur le
thème de « la coopération européenne au-delà du Brexit »
durant lequel des représentants de gouvernements régionaux
européens, dont Jean-Michel Le Boulanger pour le Conseil régional
de Bretagne, signèrent la déclaration de Cardiff, un engagement
important pour travailler ensemble à relever les défis résultant
du Brexit.
Au
cœur des négociations avec le Royaume-Uni, la question d'une
relation positive avec l'Europe est de première importance pour le
gouvernement gallois. Nous voulons nous assurer que le pays de Galles
reste partie prenante de la scène européenne post-Brexit.
Une
des conclusions de la rencontre de Cardiff était que les défis
posés par le Brexit se posait non seulement au pays de Galles et
autres régions du Royaume-Uni mais aussi à l'ensemble de l'Europe
de différentes manières et à des degrés différents.
Le
Conseil régional de Bretagne et le CESER, le Conseil économique,
environnemental et social de Bretagne) furent, par exemple, parmi les
premiers à produire une excellente analyse sur les conséquences du
Brexit et leur travail correspond en grande partie à notre propre
évaluation du problème.
Je
souhaite aussi vous rappeler que le gouvernement gallois a fait
campagne pour le maintien dans l'Union européenne. Bien que nous
regrettions le résultat du référendum, nous devons le respecter,
et maintenant nous devons faire au mieux pour sauvegarder les
intérêts du pays de Galles.
Un
Brexit sans accord avec l'Union européenne serait une catastrophe et
nous tentons à chaque occasion de défendre l'idée d'un Brexit
rationnel et réaliste.
Par
rapport à ce que nous voulons à l'avenir, nous sommes tout à fait
clairs : l'accès au Marché unique est fondamental. Plus de 60
% des exportations galloises se fait à destination des autres pays
européens, une proportion plus élevée que dans le reste du
Royaume-Uni, et parmi les emplois gallois les plus productifs et les
mieux payés dépendent de ce commerce.
Le
rapport du CESER sur le Brexit cite par exemple les 50 entreprises en
Bretagne qui dépendent de centres de décisions basés au
Royaume-Uni et qui représentent un total de 3700 emplois ici en
Bretagne.
Nous
voulons aussi que le Royaume-Uni maintienne le principe de la liberté
de mouvement des travailleurs et des étudiants tout en combattant
l'exploitation des travailleurs exposés.
Le
pays de Galles reconnaît la contribution des travailleurs européens
et des migrants à la construction de la société galloise actuelle
et nous refusons les messages négatifs tournant autour de
l'immigration, discours qui est devenu malheureusement dominant dans
le débat politique.
La
Bretagne et le pays de Galles réaffirment fortement et à bon droit
leur identité et en même temps nous partageons les mêmes valeurs
d'ouverture au monde et aux autres. Nos identités ne sont pas
exclusives et ne sont pas basées sur la peur de l'autre et de
l'inconnu, peur qui se révèle être extrêmement dommageable.
Clairement,
je le répète, quitter l'Union européenne, ce n'est pas quitter
l'Europe. Nous vivons dans un monde de plus en plus interconnecté et
nous ne pouvons pas tourner le dos à nos partenaires internationaux.
Il est vital pour nous que nous préservions ces relations au
bénéfice de notre économie, notre environnement, notre culture,
autant que pour des raisons diplomatiques et politiques.
Nous
pensons fermement que l'Union européenne, avec le Royaume-Uni comme
membre, a joué une rôle vital pour renforcer la démocratie et la
paix sur notre continent, et, plus récemment, conforter notre
sécurité contre les menaces insidieuses du terrorisme et du crime
organisé.
De
mon point de vue, une des conséquences inattendues de la décision
du Royaume de quitter l'Union européenne est d'avoir renforcé le
sentiment européen dans d'autres nations européennes et je m'en
réjouis.
Le
gouvernement gallois croit aussi que les droits sociaux et
environnementaux que nous avons obtenu en tant que membres de l'Union
européenne doivent être conservés, droits qui ont fait de notre
société commune, une société plus civilisée et plus
progressiste que dans bien d'autres pays du monde développé.
Nous
nous opposerons vigoureusement à toute tentative d'éloigner le
Royaume-Uni du modèle social européenne, tentative qui résulterait
dans l'affaiblissement des standards sociaux et environnementaux ;
nous souhaiterions en fait que le Royaume-Uni préserve ces acquis et
que nous puissions nous développer grâce à nos compétences et non
à cause d'une régression sociale ou environnementale.
Selon
les capacités que nous donne la dévolution et malgré le Brexit,
nous voulons continuer à suivre et à mettre en place au pays de
Galles les politiques européennes positives au fur et à mesure de
leur adoption.
Nous
avons aussi appelé le Royaume-Uni à continuer à participer à
toute une série de programmes européens après le Brexit, comme
Erasmus, Interreg ou Creative Europe, sachant que cela nécessitera
bien évidemment une contribution financière proportionnelle de
notre part.
Il
y a une dynamique de coopération entre la Bretagne et ses
partenaires d'outre-Manche à travers des programmes comme sur
l'énergie marine, la culture, la dimension linguistique, la
recherche et l'innovation. Il est hors de question que cette
coopération soit remise en cause.
Par
exemple, depuis deux décennies, nous avons travaillé avec la
Bretagne sur une problématique linguistique spécifique :
comment promouvoir deux des plus anciennes langues européennes, le
gallois et le breton, dans un environnement dominé par deux langues
mondiales, l'anglais et le français. Ou encore la problématique du
développement durable face au changement climatique.
Nous
avons aussi une longue histoire de coopération avec la République
d'Irlande, notre voisin maritime et nous nous sentons tout à fait
concernés par les implications irlandaises du Brexit.
Le
gouvernement gallois a toujours souligné l'importance de ne pas en
revenir à une frontière « dure » entre la république
et l'Irlande du nord. Nous pensons que la solution la plus
rationnelle et de loin la meilleure est que l'ensemble du Royaume-Uni
reste totalement aligné sur les règles du Marché unique et de
l'Union douanière européenne. Ce qui protégerait aussi les
intérêts des ports gallois et leurs relations avec l'Irlande, un
point important pour le gouvernement gallois.
L'histoire
de la dévolution au pays de Galles est liée fortement à l'Union
européenne.Durant la campagne pour la dévolution à la fin des
années 1990, un des rares slogans partagés par les partis
politiques, les syndicats, les unions patronales et une partie
importante de la société, c'était la nécessité de donner au pays
de Galles toute sa place en Europe.
Et
depuis 20 ans, je crois que nos institutions et l'Union européenne
ont efficacement répondu à cette attente. Nous avons rapidement mis
en place une représentation à Bruxelles, un étage en dessous dans
le même bâtiment que nos amis bretons, et une des premières
réalisations fut la mise en place du programme le plus important de
financement régional structurel du Royaume-Uni.
Le
Brexit ne doit pas être un obstacle aux relations entre le pays de
Galles et la Bretagne, relations qui se renforcent, relations que
l'on doit favoriser. Des relations symbolisées par notre hymne
commun, écrit par un barde gallois, Evan James, et repris par Taldir
sous le nom de « Bro Gozh ma Zadoù ». Nos pays sont les
pays de nos ancêtres comme notre hymne le dit, et malgré tous les
obstacles, côte à côte, nous serons capables de sauvegarder nos
langues et nos cultures.
Diolch.
Trugarez. Merci.